Descriptif des différentes chimiothérapies
1) Méthotrexate (Espacement des J1 : 14 jours)
2) Actinomycine D (Espacement des J1 : 14 jours)
3) EMA-CO (Cycles alternés toutes les semaines)
4) EP- EMA (Cycles alternés toutes les semaines)
5) BEP (Espacement des J1 : 21 jours)
Les premières chimiothérapies reconnues comme efficaces dans les tumeurs trophoblastiques furent le méthotrexate [1] et l’actinomycine D [2], utilisées en monothérapie. Depuis, plusieurs polychimiothérapies se sont développées, à base de méthotrexate, d’actinomycine D, d’étoposide, de cisplatine, de cyclophosphamide, de vincristine, et de bléomycine.
Un bilan avant traitement est systématiquement réalisé :
Examen gynécologique et clinique complet
Ionogramme plasmatique avec créatininémie
Bilan biologique hépatique avec bilirubinémie
Dosage d’hCG plasmatique et de sa sous-unité beta
Scanner thoracique
Echographie pelvienne avec doppler couleur
Examens nécessaires à la prescription de la contraception
Scanner abdomino-pelvien, thoracique et cérébral
(voir classification FIGO dans article de F. Golfier)
Après le curetage initial, le traitement des TTG de risque faible est relativement consensuel sur le fait qu’il faille réaliser une monothérapie de première intention. Le taux de réponses complètes dans ce groupe est voisin de 100% lorsqu’une monochimiothérapie de première intention est réalisée, au besoin complétée par une polychimiothérapie de seconde intention. Cinq schémas différents ont été étudiés : le méthotrexate seul (0,4 mg/kg IV/j pendant 5 jours tous les 14 jours), le méthotrexate associé à l’acide folinique, l’actinomycine D seule, le méthotrexate et l’actinomycine en traitement séquentiel, l’étoposide oral. La plupart de ces traitements montre une efficacité supérieure à 70% (tableau 1). Les chiffres varient beaucoup d’une étude à l’autre. Ces variations sont en partie dues à des classifications différentes (score OMS/FIGO, métastatique / non-métastatique, avant / après l’utilisation du scanner thoracique). Pour les patientes non-métastatiques, l’ensemble de ces chimiothérapies montre des taux de réponse supérieurs à 90%. Pour les patientes métastatiques de bon pronostic, ils varient entre 65 et 100%. Aucune étude randomisée n’a comparé l’efficacité de ces différentes chimiothérapies. Cependant l’adjonction de l’acide folinique au méthotrexate réduit le nombre de cures nécessaires pour induire une réponse complète par rapport au méthotrexate seul ou à l’actinomycine D [3] [4]. Un taux de réponses complètes de 88% a été rapporté dès la première cure de méthotrexate et acide folinique [5]. L’augmentation des doses de méthotrexate dans cette même étude s’est révélée peu efficace et plus toxique.
Les toxicités de ces traitements ont été bien étudiées. Le risque à long terme de seconds cancers augmente avec l’étoposide, et non avec le méthotrexate ou l’actinomycine D utilisés seuls [6]. C’est pourquoi il n’est pas recommandé d’utiliser l’étoposide en première intention dans ce groupe de patientes qui peuvent être en majorité guéries par le méthotrexate ou l’actinomycine D. Une étude randomisée a été réalisée pour comparer la toxicité à court terme du méthotrexate seul, du méthotrexate avec acide folinique et de l’actinomycine D chez 75 patientes non métastatiques [7]. Le schéma méthotrexate avec acide folinique s’est montré le mieux toléré, avec le moins de toxicité hématologique, moins de rash et de stomatite, et aucune alopécie par rapport à l’actinomycine D. Pour toutes ces raisons le schéma méthotrexate avec acide folinique est le plus utilisé. Cependant le méthotrexate peut exceptionnellement provoquer des pneumopathies interstitielles ou une hépatite toxique, et l’actinomycine D reste une alternative en cas d’intolérance au méthotrexate ou s’il existe une insuffisance rénale.
Tous les protocoles utilisés en rattrapage ont abouti à une réponse complète. Dans la plupart des études il s’agissait de polychimiothérapie. L ‘actinomycine D seule a permis d’obtenir une réponse complète chez 91/92 patientes après échec du méthotrexate sans recours à une polychimiothérapie [8] mais une autre étude a rapporté une efficacité moins nette : 6 réponse complète sur 13 patientes [2].
En pratique :
le traitement des TTG de faible risque vise 100% de rémission complète. Une monochimiothérapie est réalisée par l’association de méthotrexate et d’acide folinique. Une alternative est représentée par l’actinomycine D mais ce traitement comporte plus d’effets secondaires. En cas de non réponse au traitement initial, une polychimiothérapie en remplacement du méthotrexate ou de l’actinomycine D permet presque toujours d’obtenir une réponse complète.
Pour les TTG de risque élevé, la nécessité d’une polychimiothérapie est reconnue par tous les auteurs. Plusieurs protocoles ont été proposés. Les protocoles MAC et CHAMOCA se sont révélés toxiques et moins efficaces que l’EMA-CO [9]. La plus grande série publiée évaluant l’EMA-CO est celle du Charing Cross Hospital, de 1979 à 1995, qui a traité 272 patientes de mauvais pronostic et intermédiaire [10]. Le taux de réponses complètes a été de 78%, mais 20 patientes ont rechuté après rémission, avec une médiane de 4 mois. Les patientes résistantes à l’EMA-CO ont été traitées par chimiothérapie à base de cisplatine, généralement EP-EMA, plus ou moins chirurgie avec un taux de réponse voisin de 70%. La survie cumulée à 5 ans a été de 86%. La toxicité hématologique grade 3-4 du protocole a été importante avec 21% d’anémie, 68% de leucopénie, 40% de thrombopénie [11]. L’attitude de ce centre est maintenant de n’utiliser l’EP-EMA en première intention que dans les tumeurs du site d’implantation.
D’autres protocoles à base de cisplatine ont été proposés : dans l’expérience de l’Institut Gustave-Roussy [12], 22 patientes à haut risque ont reçu des chimiothérapies à base de cisplatine et d’étoposide : 16 patientes de l’APE et 6 patientes de l’EP (APE sans actinomycine D). Quatorze patientes étaient prétraitées. Une réponse complète a été obtenue chez 19 patientes (86%). Toutes les patientes non prétraitées ont été guéries et 11 des 14 patientes prétraitées ont été guéries (78%). La toxicité hématologique a été la suivante : 61% de neutropénie grade 3-4 dont 1 neutropénie fébrile sur 68 cycles, 20% de thrombopénie grade 3-4 [13].
Des protocoles à base de bléomycine ont été proposés. Le POMB a été proposé. Le PVB a donné des résultats mais a été controversé [14]. Le BEP, qui a prouvé son efficacité dans les tumeurs germinales, est probablement une meilleure association. Une équipe brésilienne [15], a testé cette chimiothérapie chez 15 patientes ayant un score > 9 de première intention. Six patientes avaient des métastases cérébrales, et ont reçu une irradiation et 4 avaient des métastases hépatiques. Une réponse complète a été obtenue chez 86,6% des patientes, et une réponse partielle chez 13,4% des patientes, avec une tolérance acceptable. Trois patientes sont décédées de leur maladie dans les 7 à 12 mois. La survie à 6 ans est de 80%.
Pour les patientes résistantes à une chimiothérapie à base de cisplatine, une chimiothérapie intensive avec greffe de moelle osseuse de type ICE (ifosfamide, carboplatine, étoposide) a été étudiée [16]. Cinq patientes suivies pour maladie trophoblastique métastatique résistantes au cisplatine ont été traitées. Il a été observé 2 réponses complètes sur 5.
Le paclitaxel s’est montré efficace chez deux patientes résistantes, dont une est restée en vie et en rémission [17].
Lorsqu’une chirurgie de sauvetage est envisagée, il est nécessaire de faire un bilan complet avec scanner thoraco-abdomino-pelvien, IRM cérébrale et ponction lombaire.
En pratique :
le traitement de première intention des TTG à risque élevé est une polychimiothérapie de type EMA-CO dont la toxicité est acceptable. Les polychimiothérapies à base de cisplatine sont réservées aux rechutes. Grâce à ces polychimiothérapies, le taux de survie à 5 ans atteint 86%.
Environ 10% des patientes traitées pour TTG développent des métastases cérébrales. La moitié de ces métastases apparaissent d’emblée, l’autre moitié apparaît en cours de chimiothérapie ou après réponse initiale [18]. La survie des patientes avec métastases d’emblée a été améliorée à partir de 1974, date à partir de laquelle une chimiothérapie intrathécale a été réalisée systématiquement pour les patientes au Charing Cross Hospital [18]. La survie à 5 ans a pu ainsi passer de 40% à 80%. La majorité des décès survenait dans les 15 premiers jours (hémorragie). Sur une série de 18 patientes porteuses d’un choriocarcinome avec métastases cérébrales, une réponse complète durable a pu être obtenue chez 72% des patientes avec un protocole EMA-CO à fortes doses de méthotrexate (1g/m²) associé à du méthotrexate intrathécal [19]. La radiothérapie associée à la chimiothérapie a montré une efficacité de 75% chez 16 patientes [20].
Les patientes chez qui apparaissent des métastases cérébrales en cours ou après chimiothérapie ont un pronostic beaucoup plus réservé. La survie à 5 ans est passée de 0% avant 1974 à 25% à 5 ans dans l’étude d’Athanassiou et al [18]. Le délai d’apparition des métastases cérébrales après diagnostic était de 14 mois en moyenne (1 à 49 mois). Treize des 36 patientes avaient reçu du méthotrexate intrathécal prophylactique, dont 8 s’étaient montrées résistantes à la chimiothérapie systémique. Ces 13 patientes ont développé aussi des métastases pulmonaires. Sur les 23 autres patientes, 12 avaient été initialement sensibles au traitement.
Sur les résultats de cette étude, au Charing Cross Hospital, une chimiothérapie intrathécale prophylactique est réalisée chez toutes les patientes avec métastases pulmonaires ou appartenant au groupe de haut risque : méthotrexate 12,5 mg à chaque cycle des risques faibles et à chaque « CO » des EMA-CO.
Cependant l’étude d’Athanassiou et al [18] a été réalisée de 1957 à 1981, or jusqu’en 1974 la chimiothérapie systémique de référence était le méthotrexate, et la polychimiothérapie n’est devenue systématique dans les hauts risques que depuis 1979. On ne sait pas si la survenue de métastases cérébrales a été réduite par la chimiothérapie intrathécale, ou plutôt par l’utilisation de la polychimiothérapie.
En pratique :
le taux de survie à 5 ans des patientes porteuses de métastases cérébrales est différent selon que celles-ci existent d’emblée (moitié des cas, taux de survie = 80%) ou apparaissent secondairement (taux de survie = 25%). Lorsque les métastases sont présentes d’emblée, c’est l’association d’une polychimiothérapie par EMA-CO à fortes doses et de méthotrexate administré en intrathécal qui permet ces bons résultats.
Il s’agit d’une tumeur du trophoblaste invasive lymphophile, ayant pour particularités d’être peu sécrétante en hCG et peu chimiosensible. Elle est très rare : elle a représenté 17 patientes sur 1351 patientes traitées pour TTG au Charing Cross Hospital de 1975 à 1995 [21].
Sur 17 patientes, 8 tumeurs étaient localisées à l’utérus, 3 au pelvis, et 6 présentaient des métastases pulmonaires. La survie à 5 ans a été de 80%, et de 69% à 10 ans. Pour les formes localisées, le traitement de référence est la chirurgie (hystérectomie). Lorsque le caractère complet de la résection est incertain, les auteurs proposent une chimiothérapie adjuvante de type EP-EMA, car cette tumeur est résistante à l’EMA-CO. L’équipe du Charing Cross Hospital réalise 4 à 6 cures d’EP-EMA en post-opératoire, en débutant 2 à 3 semaines après la chirurgie [10].
Pour les formes locorégionales et/ou métastatiques résécables, on réalise une chimiothérapie initiale de type EP-EMA puis une chirurgie en cas de réponse. Pour les formes métastatiques, le schéma de référence est actuellement l’EP-EMA.
En pratique :
une polychimiothérapie de type EP-EMA est justifiée dans le traitement des tumeurs du site d’implantation, dès lors que la résection chirurgicale n’est pas complète et/ou la maladie présente une diffusion loco-régionale ou métastatique.
Références bibliographiques
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